C'est un dirigeant courageux qui s'en va, première victime politique d'une crise de l'euro qui pourrait en faire beaucoup d'autres. Arrivé au pouvoir en 2009, à la tête du Pasok, la formation socialiste grecque, Georges Papandréou a décidé dedémissionner. Il l'a confirmé dimanche soir 6 novembre à Athènes.
Il part épuisé, laminé par deux années d'incessantes batailles pour tenter de sortird'une crise due au monstrueux endettement de son pays. Plus que quiconque, il était conscient que l'irresponsabilité de la Grèce a mis en péril l'ensemble de la zone euro - l'un des pôles de la puissance économique mondiale.
M. Papandréou s'en va dignement, n'était le curieux épisode de sa tentative avortée de référendum sur le deuxième plan de rigueur imposé à son pays par ses créanciers européens.
Il est parvenu dimanche soir à un accord avec le chef de la droite, Antonis Samaras, pour former un gouvernement d'unité nationale. On ne sait encore qui le dirigera et sera chargé de gérer le pays jusqu'à des élections législatives anticipées prévues pour le 19 février.
Cette équipe d'union nationale, le chef du Pasok l'a cherchée en vain depuis dix-huit mois. Jusque-là, la Nouvelle Démocratie, le parti de M. Samaras, s'y était toujours refusée. La droite grecque a joué la politique du pire. Elle n'a cessé de mettre des bâtons dans les roues à M. Papandréou. Elle n'a jamais voté une seule des mesures d'austérité dictées par les bailleurs de fonds de la Grèce.
M. Samaras est l'héritier de la formation qui fit entrer le pays dans ce qui était alors la Communauté économique européenne en 1981. Mais il a laissé M. Papandréouaffronter seul la colère du peuple grec face à la rigueur. Il a refusé le moindre geste de solidarité, alors que son parti est très largement responsable de l'état lamentable des finances publiques grecques ; celui qui, du temps où il était dirigé par Costas Caramanlis, a truqué les comptes ; celui qui a menti à Bruxelles sur le niveau réel de l'endettement grec.
Deux des entités les plus riches du pays n'ont pas jugé utile de faire un geste non plus : ni la richissime Eglise orthodoxe ni le groupe des grands armateurs ne versent un euro d'impôt au gouvernement central - la première par tradition, les autres grâce aux paradis fiscaux.
Nous regretterons Georges Papandréou, la silhouette longue et distinguée de ce diplômé de Harvard et de la London School of Economics, qui ne comprenait que trop ce qui arrive à son pays. Il tombe victime de l'un des pièges de la rigueur budgétaire. L'endettement la rend nécessaire, sauf à accepter la faillite. Mais la rigueur enraye aussi le redémarrage de l'activité, empêchant le regain de rentrées fiscales qui faciliterait l'apurement de la dette.
D'où ce sentiment que la zone euro est condamnée pour plusieurs années à une croissance nulle - donc au chômage de masse et à l'instabilité politique et sociale, comme l'explique le dossier du "Monde Economie" de cette semaine. Le professeur d'économie Georges Papandréou va avoir tout loisir d'expliquer cela dans une grande université européenne.